Mosaîque illustrant Avril, la renaissance

Avril, mois de l’ouverture du travail à l’oisiveté créative

Consacré aux cultes agraires et au travail, avril est également associé à la beauté et aux arts grâce à Vénus. Comme chaque mois, je vous propose de marquer un temps de réflexion. Réflexions sur les organisations, les entreprises et le management, inspirées des origines et traditions du mois concerné.
Le mois d’avril est très riche. Mars célèbre les conquêtes et le courage , avril, au contraire, chasse l’esprit guerrier. Avril laisse la place aux cultes rendus à la nature, sauvage ou conquise par l’agriculture, et à des divinités- femmes. Les cultes agraires étaient destinés à assurer la fécondité, l’abondance et la survie au peuple et à la ville.

Mais quelle histoire !

Voilà un mois dont l’origine du nom a fait l’objet de bien des discussions.

Première hypothèse,

Vénus maîtresse de la vie, de la beauté et de l'amour
Vénus

Au début de notre ère, les Fastes (environ 15 ans après JC), œuvre d’Ovide, sont le grand calendrier religieux commenté au jour le jour. Ovide, dans les Fastes, donne une origine d’après Aphrodite, l’homologue grecque de Vénus, dont les fêtes marquent le début de ce mois.

Comme en atteste l’extrait des Fastes ci-dessous :
« En outre, à Vénus, nulle saison ne convenait mieux que le printemps :
au printemps, les terres sont éclatantes, au printemps le champ est paisible ;
c’est alors que les jeunes pousses font craquer la terre et soulèvent leur tête,
c’est alors que les bourgeons poussent sur l’écorce gonflée de la branche ;
Vénus la belle est bien digne de la belle saison,
et, selon la coutume, elle suit directement son Mars aimé.
Au printemps, elle engage les nefs creuses à voguer sur les mers
d’où elle est née, sans plus redouter les menaces de l’hiver. »

Seconde hypothèse

Les Romains pensaient que le nom d’Aprilis était dérivé de aperio, aperire, verbe qui signifie « ouvrir ». Soit « parce que, dans ce mois, les bourgeons commencent à s’ouvrir », soit « parce que la terre semble ouvrir son sein en se couvrant d’une végétation nouvelle » « les fruits, les fleurs, les animaux, les mers et les terres s’ouvrent à ce moment-là ».
Le poète Ausone représente le mois d’avril sous les traits d’un jeune homme couronné de myrte, et qui danse au son des instruments. « Près de lui est une cassolette d’où l’encens s’exhale en fumée et le flambeau qui brûle dans sa main répand des odeurs aromatiques. »

Mosaîque illustrant Avril, la renaissance
Avril, mois de l’ouverture, de l’agriculture et de Vénus

Une utilisation chahutée au cours des siècles

Sous l’empereur Néron (37 à 68 après JC) avril fut renommé Néronius en son honneur par le Sénat romain.
En moyen français, une variété historique du français qui était parlée à la fin du Moyen Âge et à l’époque de la Renaissance, avril ne désigne plus le mois. Il signifie « le printemps » et « la fleur de l’âge ».

Aprilis était marqué par une série de fêtes consacrées à des aspects de la vie rurale en relation avec les nombreuses occupations des agriculteurs en ce mois. Il est donc le mois de la Renaissance de la Nature, de la Fertilité , de la Lumière et de l’agriculture. Le rapprochement avec Aphrodite et Vénus évoque la Maîtresse de la vie, de l’amour, elle a ensemencé la terre, la mer et le ciel et, en outre, a introduit chez les humains le raffinement et les arts.

Mois de « l’ouverture », de l’agriculture et de Vénus…

Quelles réflexions, quels enseignements tirer face à tant d’évocations ?
C’est encore avec les fables de La Fontaine, source d’inspiration inépuisable, que je vous propose quelques pistes de réflexions. Et pour célébrer le mois de « l’ouverture », plutôt que de choisir entre l’agriculture, la renaissance de la nature et Vénus, j’associerai « Le laboureur et ses enfants » et « La cigale et la Fourmi ».

 

La fable en synthèse : Un riche laboureur sentant sa mort venir, pour éviter que l’héritage ne soit vendu, réunit ses fils pour leur faire part d’un trésor caché dans le champ . Les fils s’afférèrent tel que les prescriptions du père furent transmises. Si par le travail, le champ rapporta davantage, il ne cachait aucun argent, ni trésor. La sagesse du père est de montrer que le travail est un trésor.

La fable en synthèse : Une cigale peu soucieuse de ce qu’elle mangera l’hiver, passe tout l’été à chanter! Pendant ce temps, une fourmi fait des réserves pour la saison froide à venir. La bise arrive. La cigale n’a plus rien à manger, à la différence de la fourmi qui a constitué des réserves…La cigale sollicite la fourmi. Et la fourmi, peu prêteuse, de conclure à l’adresse de la cigale : « Eh bien dansez maintenant ».

Etrange cocktail, me direz vous. Pas tant qu’il n’y paraît à première vue.

L’apologie du travail, certes…

En effet le premier point commun à ces deux fables est bien évidemment l’apologie du travail.
La Fourmi incarne le travail méritant, le sens de l’économie, de la prévoyance et de la mesure.
Replaçons la fable dans son contexte. Le 17ème siècle, marque sous l’impulsion de Colbert le développement du mercantilisme. La classe des marchands en étant le principal ressort, pour dynamiser l’économie. La Fourmi représente l’esprit mercantiliste et rationnel qui privilégie le calcul et la raison sur les passions.
Le laboureur grâce à un subtil scénario, permet à ses enfants, malgré leur avarice, de découvrir les bienfaits moraux du travail. L’efficacité morale de cette aventure repose également sur l’apologie du travail.

Mais aussi de l’immatériel

Et c’est là le second point commun moins perceptible : la prédominance de l’immatériel sur les biens matériels.
En fait, le laboureur ne lègue pas un bien matériel à ses enfants, mais un modèle d’instruction, de transmission. L’ardeur et le dévouement déployés pour accomplir une tâche ont plus de valeur que le fruit du travail.
La cigale symbolise le goût pour la beauté, au détriment des biens matériels. Ainsi les biens immatériels, la littérature, les arts, la science, l’éducation, bref la culture ont autant de valeur que l’or.

Et également apologie de l’oisiveté créative
En effet la fable « la cigale et la fourmi » possède une particularité : elle ne comporte pas de morale à portée universelle comme c’est le cas traditionnellement dans un apologue. La Fontaine laisse le choix de l’interprétation. En effet les qualificatifs et le discours que La Fontaine prête à la fourmi  laissent penser que l’auteur pourrait dresser d’elle un portrait encore plus satirique. Notamment la chute résume, à elle seule, l’ironie l’égoïsme et l’autoritarisme de la fourmi. « Vous chantiez?, J’en suis fort aise. Eh bien ! Dansez maintenant ». Au contraire, et par opposition La Fontaine présente la cigale emprunte de générosité, de civilité. Même si elle symbolise l’insouciance et l’oisiveté, l’auteur semble lui accorder si ce n’est une préférence, du moins de la bienveillance. La cigale apparaît donc comme l’allégorie de la créativité, des arts et de la poésie.

Une lecture différente de la fable : de La Fontaine à Gaston Lagaffe

Gaston un philosophe au travail
L’oisiveté créative selon Gaston Lagaffe

Dans cette fable au travers de la rencontre de la cigale et la fourmi, La Fontaine présente donc les représentants de deux visions du monde. L’oisiveté de la Cigale se rapproche de « l’otium philosophicum ». Cette expression latine désigne l’oisiveté mise à profit pour la réflexion, la poésie ou la méditation, opposée à l’esprit de négoce rationaliste et matérialiste incarnée par la fourmi. Mais faut-il les opposer ?

Ainsi grâce à ses deux fables plutôt que de choisir, nous mettons à l’honneur tant l’ouverture, le travail, que la culture et faisons la synthèse des origines diverses du mois d’avril. 

Pour les amateurs de BD, cela incite particulièrement à relire Gaston Lagaffe pour découvrir avec un œil différent un « philosophe au travail ». Et en tirer quelques conclusions bien utiles dans nos entreprises aujourd’hui. Nous y consacrerons un prochain article.

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