Mai le mois des paradoxes

Mai, mois des contrastes et paradoxes

Mai, mois des contrastes et paradoxes, serait à la fois un hommage à Maïa déesse du renouvellement, et aux « Anciens ». Contrastes et paradoxes qui donnent l’occasion de s’interroger sur la tradition et la modernité, la transmission et les relations intergénérationnelles. Autant de sujets d’actualité et de perceptions à renouveler.

Mai, une origine floue…

Comme pour d’autres mois, l’origine du nom « mai » est controversée.
Le nom du mois de mai (en latin, maius) rappellerait Maïa (en latin, Maia).

Maia, déesse de la croissance et de la terre
La déesse Maia

Quelques auteurs soutiennent que chez les Romains ce mois était consacré à Maïa, la déesse de la croissance et de la terre, incarnant le printemps.

 

 

 

Le nom Maia signifie littéralement en grec « petite mère », terme affectueux donné à la grand-mère, la nourrice, la sage-femme.
D’autres savants pensent que Romulus aurait donné ce même nom en l’honneur des Anciens, des Sénateurs, et que le mot mai dérive du terme latin majores, qui veut dire hommes âgés ; cette dernière explication se trouverait justifiée par le nom du mois suivant, juin, qui paraît avoir été consacré aux jeunes gens, en latin juniores.
Le nom latin pourrait également être lié à « magnus » grand, à l’origine des mots :
– magnifier : magnificare, magnus grand et facere faire : Célébrer quelqu’un, quelque chose comme grands, les glorifier. Rendre quelqu’un, quelque chose plus grands moralement ; élever, idéaliser.
– et magnitude importance d’une donnée, d’un fait. (Larousse)

Des usages, symboles du renouvellement

S’il désigne aujourd’hui principalement le mois, mai a désigné aussi, en ancien français, le feuillage des arbres au mois de mai. Puis, en moyen français, un jeune arbre planté le premier mai pour rendre hommage à quelqu’un. Cette coutume de planter des « mais », peut-être liée aux arbres de liberté, tire plus vraisemblablement son origine de la tradition agraire. Le « mai », symbole de la franchise populaire, consacre et renouvelle le pacte entre la nature et les hommes… Voici le mois de may/Que tout se renouvelle, la végétation, l’amour, le pouvoir. Cette coutume se prolonge, depuis le XVIème siècle grâce à Charles IX, par l’offrande à la femme aimée d’un bouquet de muguet.

Mai, mois du renouvellement, de l’incertitude et des contrastes

A cette période de l’année la nature se transforme, se renouvelle et développe une grande activité. Certes en mai les jours rallongent, la température s’élève d’une manière très sensible. Néanmoins certaines journées du mois sont encore froides aussi les agriculteurs et jardiniers redoutent à juste titre l’effet désastreux des gelées tardives et en particulier jusqu’aux Saints de Glace. D’ailleurs même les proverbes attestent de ces incertitudes et donnent lieu à des formulations contradictoires. Par exemple dans le Vaucluse : « Au mois de mai, Il faudrait qu’il ne plut jamais. ». Par contre l’appréciation diffère dans les Hautes Alpes où l’on dit : « Mai pluvieux, Rend le laboureur joyeux. ».On ne peut trouver plus opposé. Il semblerait, dit-on, que ce mois n’est beau que chez les poètes, quoique là aussi les contrastes sont évoqués :

« C’est un ménage d’enfer.                                                                                                              L’almanach et le thermomètre                                                                                                        Ne peuvent d’accord se mettre :
L’un dit printemps et l’autre hiver.

On dirait que le mois de mai
Est relégué dans quelque idylle,
Ou que, tel qu’un luxe inutile,
Cette année on l’a supprimé. »

De Maia « la petite mère », aux « Anciens » : un chemin d’incertitudes et de paradoxes à parcourir

Les deux interprétations évoquées plus haut sont plausibles. Et quoi qu’il en soit, honneur au printemps, à la « petite mère » ou aux « anciens », il s’agit toujours de croissance et de renouvellement. En ce mois de contrastes, l’opposition du printemps de la jeunesse et de l’hommage aux anciens est particulièrement intéressante et nous donne l’opportunité d’aborder quelques sujets d’actualité : « le nouveau monde » et le monde ancien, la modernité et la tradition, les relations intergénérationnelles.

Faut-il les opposer
Ancien monde, nouveau monde…

Ancien monde et « nouveau monde » faut-il les opposer ?

Comme le suggère le mois de mai, la vie est avant tout un perpétuel renouvellement dans l’incertitude. Opposer les deux mondes reviendrait à nier le courant de la vie et la continuité du monde. Or pour apprécier la continuité du monde il est indispensable d’en comprendre les courants et contrecourants. Par ailleurs aujourd’hui l’incertitude du monde ne fait que s’accroître. A défaut de repères nous serions obligés de lutter contre l’incertitude. Sauf que l’incertitude c’est la vie.

Chercher à limiter l’incertitude, se focaliser sur la maîtrise et les prévisions, s’organiser par rapport à ce futur théorique voilà bien la stratégie qui à coup sûr est perdante. Elle fragilise l’individu, l’organisation, l’entreprise.
Apprendre à vivre avec l’incertitude et à s’en servir, c’est être capable de s’adapter aux aléas, saisir des opportunités. Une stratégie résiliente originale renforce l’être humain, l’organisation, l’entreprise et crée durablement de la valeur. Cela suppose de centrer ses efforts sur la compréhension en profondeur des courants et de la situation immédiate.

 Tradition et modernité : « faire être de nouveau ce qui a été »

Aucune construction humaine, à la différence des « choses de la nature » qui ne sont pas créées par l’homme, ne dure si elle n’est pas perpétuée par la mémoire.
La tradition ne s’oppose pas à la modernité. Elle la permet. Elle assure la continuité du passé, du présent et de l’avenir. D’ailleurs d’après l’étymologie du mot traditio en latin, tradition signifie :  » le fait de donner à travers (le temps, les générations), de remettre, de transmettre à quelqu’un d’autre ». Le second sens initial de traditio est transmission, enseignement. La tradition n’est donc pas synonyme de conservation d’un passé mort. Par l’éducation et l’enseignement, il s’agit de « faire être de nouveau ce qui a été ».

Et n’est-ce pas là parmi les rôles primordiaux de la « petite-mère » et des anciens ? Prendre en considération cette absolue nécessité de s’approprier la tradition pour construire l’avenir pose clairement la question de la formation et de place et la mission « des anciens » dans nos organisations et nos entreprises.

« Faire être de nouveau ce qui a été » suppose une grande culture, impose l’apprentissage et le développement d’une pensée critique et s’oppose à toutes formes de prêt à penser. La sage-femme assiste l’enfantement, l’accouchement. D’ailleurs le mot maius est également à l’origine de la maïeutique. L’art de l’accouchement en médecine, et selon Socrate l’art de surveiller l’enfantement des âmes par la pratique du questionnement et de l’interrogation, permettant de prendre conscience de ses facultés et de les tourner vers un but noble et utile.
Maia, la petite mère et les anciens sont bien les principaux concernés dans cette transmission.

Relations intergénérationnelles : conflit de générations ou sur la nature de l’héritage ?

Sujet d’actualité s’il en est un, l’intégration des nouvelles générations, les générations Y et Z comme il est coutume de les appeler ! Ce sujet donnent lieu à de nombreux articles, qu’ils concernent la famille, l’école ou encore le monde de l’entreprise. Pas un jour, sans qu’ici ou là, le langage de certains laisse apparaître une forme de critique, de désapprobation à l’égard de « ces jeunes d’aujourd’hui qui… ». Le conflit de générations est régulièrement évoqué. Ces discours invoquant « une génération » ne peut néanmoins cacher qu’il s’agit de nos enfants. Seraient-ils donc seuls responsables de ce qui, compte tenu de leur chemin, ne relève pas encore totalement ni de leur champ de compétences, ni de leur champ d’autorité ?

Et si le conflit ou la difficulté était plutôt d’ordre intragénérationnel ?

En effet accueillir et préparer une nouvelle génération à « faire être de nouveau ce qui a été » tout en assurant la continuité du monde, implique trois obligations contradictoires :
– En tout premier lieu assumer la responsabilité du contenu de l’héritage à transmettre.
– Puis protéger les nouveaux venus des agressions du monde extérieur et leur donner l’énergie nécessaire à leur construction.
– Enfin assurer la continuité du monde en le protégeant des pressions et aspirations nouvelles exercées par l’afflux de nouveaux arrivants.

Force est de constater que répondre à cette triple exigence relève d’un véritable défi. Défi intérieur et profond, immatériel, non quantifiable et mesurable dans l’immédiateté à laquelle nous sommes habitués. Mais d’autres « défis » matériels ne nous ont-ils pas happés ? L’évolution de notre société est certes marquée, par de réels progrès. Mais aussi par l’individualisme, l’acculturation, la course contre le temps. Ou encore la pression permanente des résultats, les catastrophes environnementales, écologiques, sanitaires et sociales.

Ce monde de contradictions ne génère-t-il pas un tourment intérieur chez chacun d’entre nous ? Tourment d’une telle force que nous serions amenés à préférer les « post-vérités », plutôt que d’affronter la réalité ? Ce tourment provoque à n’en pas douter une confusion chez les nouvelles générations. Cette absence de repères contribue au refus de « la tradition » voire à la déliquescence de la culture. Ainsi les discours sur le conflit de générations sont aussi en quelque sorte le reflet de nos incertitudes et doutes.

Alors trois questions :

Sommes-nous prêts à assumer le contenu de l’héritage à transmettre ?
L’environnement au sens large, à la construction duquel nous contribuons, ou que nous acceptons ou subissons, réunit-il les conditions les plus favorables au développement de la dignité de chacun dans toutes ses dimensions ?
L’illusion du mieux- être par l’accroissement de richesses matérielles, ne nous détourne-t-elle pas de notre responsabilité première : faciliter et développer la prise de conscience des facultés de chacun et de les tourner vers un but noble et utile pour soi, pour la société et pour l’environnement ?

Mai, invitation au renouvellement…alors quelques pistes de réflexion en conclusion !

Un proverbe africain dit : « Si tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens »

Retrouver le Sens de la Continuité du Monde oblige à renouveler notre modèle de formation, « d’enfantement ». Et ce dans toutes les structures et organisations qui en ont la mission.

Permettre de « faire être de nouveau ce qui a été », par la transmission de la tradition ouvrant la voie à la modernité et assurer la continuité du monde, telle est la mission de chaque individu quel que soit son statut, dans quelque organisation que ce soit. Cette nécessité remet en cause non seulement la formation mais également le rôle des « Managers » « Leaders »… Le culte de la technique et des sciences de la gestion ne peut s’exonérer de  la primauté des sciences humaines.

Enfin rien n’est plus indispensable à la transmission que la sagesse des « Anciens ». Au delà des préoccupations de rentabilité et de productivité immédiates, la place des « Anciens » dans nos organisations doit impérativement être reconsidérée. Ils sont un acteur majeur dans l’intégration et la formation des nouveaux. Ils peuvent également jouer un rôle essentiel dans la mise en œuvre de la gestion prévisionnelle des compétences et surtout des talents.

Ainsi à la réflexion, mai, mois des contrastes et des paradoxes ouvre de belles perspectives de réconciliation entre les générations, et en particulier dans nos organisations et entreprises.

Juin : Junon nous offre un modèle de recadrage

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